Les rites forestiers.

L'esprit des forêts - la forêt de Chaux - les vieux métiers

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Les Bons Cousins Charbonniers

Pour celui qui sait voir; les traces sont encore bien visibles de l'activité de la confrérie des Bons Cousins Charbonniers dans notre région de Franche-Comté. Signes particuliers sur les tombes des cimetières d'Arbois et de Poligny, peintures spécifiques et  objets décorés dans les musées régionaux, archives indubitables, ... nul ne peut nier son existence. Il n'est pas très difficile de retrouver le fil de l'histoire mêlée à celle de notre pays de France. Quelques clics judicieux, une bibliographie par trop succincte, on en aura vite fait le tour. En apparence seulement, car l'histoire est écrite par les vainqueurs et les Bons Cousins ont connu une fin plutôt tragique notamment lors de l'avênement de Napoléon III. Trop rapidemment classés parmi les libertaires voire anarchistes ce portrait ne semble pas correspondre au contenu trouvé dans les rituels qui nous sont parvenus. Nous avons la chance de pouvoir consulter celui des archives de Dole de 1835 et celui de la Vente du Bois de Bregille de 1812 conservé aux archives de Besançon. Avant d'être instrumentalisés politiquement au début du XIXe siècle à l'instar de la Carbonaria italienne, les Bons Cousins Charbonniers s'apparentent davantage à ce qu'on appelle désormais une société de sociabilité. Le phénomène est repérable partout en Europe. Il est plaisant à certains de se regrouper afin de pratiquer ensemble une rituélie particulière souvent élististe qui permet de se distinguer, "d'en être". On croisera essentiellemnet deux rameaux originels: celui des confréries de métiers dont l'objectif vise à dégager une élite ouvrière et l'appartenance à une sorte de chevalerie dont le type a toujours fait fantasmer l'Occident. Coupée des réalités de ces deux modèles, ces sociétés tentaient d'en préserver le contenu, la puissance évocatrice et la dynamique de transformation à destination de ses membres. Proximité avec la nature, religion primitive, secret des confréries, idéal chevaleresque, ... Nous sommes partis en quête de ces  prérogatives depuis de nombreuses années déjà  avec un bonheur jamais démenti.

Cliquez ici pour visualiser les archives des bons cousins charbonniers...

 Symbolique du cerf, "roi de la forêt"

Depuis la nuit des temps, le cerf, "roi de la forêt", est une figure essentielle du panthéon animalier européen. Représentant le plus nourricier des gibiers, il est d'une importance capitale dans la survie de la tribu. Chairs, viscères, peau, os, bois, tendons, tout est utilisé par l'homme pour manger, se vêtir, se soigner, fabriquer armes et objets. Durant le paléolithique supérieur, il est abondamment figuré dans l'art pariétal à l'exemple des grottes Chauvet et Lascaux. Animal sacré parmi d'autres, il occupe une place de choix dans les pratiques magiques et les correspondances symboliques en usage chez les hommes pré-historiques. De cette fonction magico-religieuse du cervidé, venue du fond des âges, est issu le dieu celte Cernunnos, le dieu "cornu". Ce dieu préside aux initatiations, car comme le cerf, il se retire en secret dans les halliers pour accomplir ses mystères. Par son aspect "mi-bête, mi-forêt" comme le décrit le poète Ronsard, le cerf fascine et impose le respect.  Il est un intermédiaire entre le règne animal et végétal procédant des deux natures et par ses bois dressés il est en contact avec le monde des dieux.

                                    L'ouvrage d'Alain GOY, page de garde présentée ci-contre à droite, sera proposé sur place au prix de 4€.

 

  

 

 

 

 photo libre de droit -  jardin japonais de l'Ile Versaille à Nantes  - source wikipedia licence creative common - auteur Guillaume Piolle - image non modifiée

 

 Le respect de la Voie

Je comparerais volontiers notre démarche initiatique au sein des rites forestiers à celle des arts martiaux japonais. Pas qu'il y ait un lien de parenté mais parce que j'y trouve le rôle de la tradition parfaitement expliquée. Le mot "dō" en japonais  signifie « la voie, le chemin, la route ». Il désigne un concept philosophique proche du tao chinois. On peut également le traduire par le mot « principe ». Ce mot "do" se retrouve dans le nom des arts martiaux japonais: ju-do, aiki-do, karaté-do,etc. C'est à la fois une tradition, une philosophie et une pédagogie qui prônent et enseignent un art de vivre et se proposent de parvenir à une harmonie avec l'univers, par opposition aux arts martiaux jutsu qui sont des techniques de guerre (bujutsu) destinées à vaincre, à détruire. Respecter la voie est la base et le fondement de toutes ces disciplines. Il y a au départ un créateur, un maître innovant ouvrant la voie, puis des disciples perpétuant la voie, en y apportant quelque fois des variantes. Celle-ci nous est parvenue  par le biais de pratiquants l'ayant reçu avant nous et qui acceptent de nous la transmettre. C'est ainsi qu'une démarche traditionnelle s'apparente à une hiérarchie respectueuse, sans quoi aucune transmission valable n'est possible. Tout d'abord respect de la voie que l'on s'est choisie afin d'en comprendre pleinement le sens et de bénéficier de ses bienfaits. Ensuite respect du maître fondateur et des maîtres passés qui ont véhiculé la voie jusqu'à nous. Enfin respect de nos maîtres présents qui nous font l'honneur de nous transmettre ce qu'ils ont reçu. Il y a également le respect de l'endroit où a lieu cet enseignement: le "dojo" qui est forcément un espace sacré pour ceux qui ont en haute estime la tradition qu'ils reçoivent (on dira chez nous le németon). Puis encore le respect des autres pratiquants, des autres cherchants qui sont autant de compagnons de route pouvant aider et partager. Tout ceci tissant  une fraternité tant verticale avec les maîtres passés et anciens, qu' horizontale entre les "élèves", les cherchants présents. 

   

 

 Un carnet manuscrit de Bon Cousin du Jura

Un de nos amis sympathisants a déniché chez les spécialistes de documents anciens un manuscrit traitant des Bons Cousins  Charbonniers de la forêt de Chaux. Il a eu la délicate attention de nous permettre de le consulter avant sa mise en vente et nous l’en remercions vivement.

Il s’agit d’un carnet écrit à la main émanent de la société des Bons Cousins  Charbonniers de la forêt de Chaux daté de 1852.

Sans lieu ni date [Vieille-Loye ou Arbois ?, vers 1852]. Manuscrit à l’encre. Carnet in-12 de 300 pages [i.e. 298 pages]. 2 dessins et 2 gravures (la Vierge Marie et le Pélican) contrecollées dans le texte. Reliure de l’époque à la Bradel en cartonnage marbré bleu, pièce de titre en basane maroquinée havane

L’exemplaire comprend des planches des différents degrés, des travaux traitant du christianisme primitif, notamment en Franche-Comté, et les origines des Bons Cousins Charbonniers, leur permanence malgré les persécutions. On y évoque la Vente Suprême Chambre Parfaite, les réunions des Fendeurs, l’interprétation du 2nd grade (Compagnon), l’instruction et le Décalogue.

Concernant le Jura et la forêt de Chaux, le document est du plus grand intérêt. L’auteur réagit à la décision préfectorale d’interdire les réunions de Bons Cousins ; il met en lumière le désaccord profond, voire violent, entre les Bons Cousins Charbonniers notamment lors de la fête patronale du 22 décembre 1849 à Lons et la réponse d’un Bon Cousin aux fausses accusations portées contre lui à la « Vente réunie aux Bois de la Forêt de Pupillin, octobre 1851 ») responsables d’avoir dévoyé l’Ordre vers la politique au détriment de sa symbolique initiale et de ses visées humanistes . Y est évoquée l’affaire de  Napoléon III après son coup d’état de décembre 1851 et les conséquences désastreuses que l’on connait. Ensuite on y trouve retranscrites les « oraisons » ? du Voyageur bûcheron franc Bon Cousin Charbonnier au « mont Beauregard, Forêt du Vrai Bonheur » (sur la route de Poligny à Arbois, avec dessin). Il évoque le calvaire de la forêt Beauregard, Saint Thibaud patron de l’ordre (avec trois prières de Bons Cousins Charbonniers). On y trouve mentionné  la Vieille-Loye, avec la description précise (illustré d’un dessin), de la Chambre d’Honneur qui s’y trouvait élevée à la Vierge par les Charbonniers au XIIe siècle, et, sous Louis XVI, son état délabré souligné par le curé Pilliot, reconstruite avant la Révolution grâce à un emprunt de 25 000 francs contracté par les Bons Cousins auprès de Mont-sous-Vaudrey. Enfin il dénonce le procès inique intenté à quatre dolois Bons Cousins Charbonniers : Michon et Robert, avocats d’honneur, Pagnoz, restaurateur et Chassin, chausseur, accusés de faux-monnayage pour avoir émis des bons papiers de bienfaisance pour l’entraide uniquement au sein de l’Ordre (Robert et Pagnoz furent exécutés en 1852).

  1. Ce document a été acquis par les archives départementales du Jura et par conséquent consultable à Lons-le-Saunier pour notre plus grand bonheur.

 

Charbonnier carnet