Impossible de partir en quête des traditions forestières sans rencontrer les druides. Sans doute faudrait-il encore remonter plus loin, aux hommes des mégalithes mais celà devient trop aléatoire. Déjà pour les Celtes l'histoire est compliquée et les controverses nombreuses. Disons que confronté à la nature et à ses phénomènes, aux préoccupations existentielles, la psyché humaine en est toujours impactée de semblable façon et que les leçons des anciens peuvent encore nous être utiles. La première prise de conscience de notre univers celtique est la toponymie. Les noms des sites naturels, rivières, montagnes, forêts, etc, renvoient fréquemment à des noms celtiques. Puis le nom des lieux habités, villes et villages, lieux particuliers. Bien sûr tout n'est pas totalement transparent, translitéré du gaulois au français Vesontio devient Besançon, Divio devient Dijon. Les lieux celtes sacrés sont christianisés: sources, grottes, chênes, mais même l'hagiographie du Saint qui y sera associé n'évacue pas le sens premier. Il nous reste également tout un imaginaire mythologique qui bien sûr s'est vu recouvert au fil du temps de strates complémentaires, chrétiennes majoritairement. Chacun connait Arthur, Merlin et Lancelot. Ce qu'on appelle la matière de Bretagne, mais qui recouvrait l'ensemble de l'occident médiéval. L'un de ses auteurs Robert de Boron est un franc-comtois né à Boron près de Belfort. C'est d'ailleurs lui qui christianisera fortement la geste arthurienne en faisant du Graal une relique chrétienne: le Saint Calice. Beaucoup de nos contes et légendes ont un fond païen pas toujours bien christianisé, sinon il ne faut pas grand chose pour gratter le vernis: les vouivres, les dames blanches, le "dialogue" avec les arbres ou les animaux abondent en Franche-Comté. Un univers pas si enfantin qu'il en a l'air. Enfin, en ces temps de planète "en surchauffe", pour ne pas dire en péril imminent, il est plus qu'urgent de préserver le peu de nature qu'il nous reste, de tourner notre regard vers "Mère Nature", de se souvenir de nos origines, de préserver notre source de vie, voire de lui dire adieu en regardant avec désolation ce que nous en avons fait et ce que nous laissons à nos enfants. Au-delà de l'urgence biologique il y a aussi l'urgence psychique que certains d'entre-nous peuvent ressentir et le recours aux forêts apparaître comme une nécessité pour se retrouver, respirer, sentir, écouter,... C'est à travers nos rencontres en forêts, de l'apport de scientifiques et de professionnels par le biais de conférences et de visites, par la pratique des rituels des confréries des vieux métiers de la forêt empreints de traces celtiques, que nous tournons notre regard vers ce que Courbet à symbolisé en peinture dans son tableau "l'Origine du Monde" où passée la surprise certains y verront la forêt, la grotte, la matrice de toute vie. |
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Si on peut légitimement attribuer la Terre au grade de Charbonnier, l'Air à celui de Fendeur; le Feu à celui de Forgeron, l'Eau sera bien l'attribut du Naute ou Radelier. Ainsi les 4 principes élémentaires auront été visités et vénérés. Il est évident que le sujet ne saurait être épuisé sur la connaissance des 4 éléments. Il convient cependant d'en oublier aucun. Notre rôle est que chacun soit retenu dans nos rituels d'évocation. Ceci fait, le paganisme est une gnose. C'est à dire que chacun a accès à la connaissance selon sa capacité à l'appréhender et à la recevoir. Il y a un lien direct entre Soi et "le divin", entre Soi et la Nature indépendant de toute altérité, vivante ou livresque. Nos rituels agissent comme des mementos, des pense-bêtes qui nous rappellent l'essentiel, notamment "où nous sommes " et quel est notre héritage en tant que païen. Notre voie druidique inscrite dans la tradition des Rites Forestiers selon le chemin tracé par notre Grand Druide fondateur Gwenc'hlan Le Scouêzec prévoit que le druide se soit inscrit dans ce parcours. Pour deux raisons, la première est qu'un druide ne saurait ignorer l'Eau, en tant qu'élément fondamental de la nature, en tant qu'archétype psychique et en tant que symbole. Ensuite, en tant que membre essentiel de notre voie druidique nos druides ne peuvent ignorer les constituants de nos différents grades. Il les a reçus, pratiqués, conduits et administrés. Ainsi nos druides sont des Charbonniers, des Fendeurs, des Forgerons, des Nautes pas forcément opératifs mais spéculatifs et symboliques. Ils ont présidé à la conduite de tous les rituels de chaque grade et à ce titre ils sont reconnus comme Mac Fuirmid, c'est à dire "chef de l'Ordre" ( Mac Fuirmid = fils de la force ). Un druide de notre Ordre sera donc un Barde ou un Vate, selon sa vocation, doublé d'un Mac Fuirmid, titre qui témoigne de son parcours accompli au sein des Rites Forestiers et par conséquent de leur connaissance et de sa capacité à diriger. L'eau est présente à chaque degré avec un symbolisme puissant. L'eau qui nous lave à notre naissance et notre mort chez le Charbonnier. L'eau de la Mère Catault qui nous lave le visage et nous fait laver notre linge. L'eau de la trempe chez le Forgeron et l'eau dévastatrice des Nautes. Quand à sa présence au plan du rituel de druide, elle est fondamentale. Le "passage de l'eau" est un thème central de l'initiation druidique car la mort celte est "un passage de l'eau" notamment vers l'Ile d'Avalon, l'ile de l'éternelle jeunesse où Arthur le roi mythique est emmené après sa dernière bataille à Camlann, veillé par la fée Morgane. Chaque Celte attendant, tel le messie, son retour, symboliquement bien sûr. Il s'agit du retour de "la royauté", de l'harmonie cosmique au sens où les philosophes grecs l'entendaient, du moyeu de la roue autour duquel tout s'organise... |
Comme chacun sait Samain,(Samonios en gaulois) est le nouvel an celte et on doit appréhender cette fête avec la même considération que notre fête du "Nouvel An". D'ailleurs notre nouvel an actuel en garde des vestiges transversaux à bien d'autres civilisations: les voeux, les cadeaux...Il convient toutefois et toujours de se positioner en tant que "païen", c'est à dire en tant qu'homme ou femme au centre de l'univers naturel qui l'entoure. En effet le "vrai païen " étant celui qui ouvre les yeux et voit le réel contrairement à ceux qui dépendent de "révélations" issues d'un Livre ou de traditions. Nous avons déjà souligné le lien entre franc-maçonnerie et druidisme. Lors de la naissance de la franc-maçonnerie dite "moderne" en 1717, il parut bon à certains de ne pas retenir ceux qui ne croyaient pas au dieu de la Bible (cf. Constitutions d'Anderson). La franc-maçonnerie est un mouvement d'émancipation de la société. Il fait suite au courant Rose-Croix qui l'a précédé d'un siècle. Ce dernier n'aurait jamais pu voir le jour sans l'nvention de l'imprimerie et la Réforme protestante. D'où l'essor particulier de la Réforme en terres anglo-saxonnes. Le blason de Luther était une croix flanquée de 4 roses. La Rose+Croix apparait comme une société interprétative des textes chrétiens jusqu'à s'en affranchir. Ceci se résume dans ces propos d'Angélus Silésius: "Le "lâcher-prise" rend l'homme capable de Dieu. Mais lâcher Dieu même et un "lâcher-prise" que peu d'hommes saisissent". Le courant païen est bien présent dans l'Angleterre du XVIIIe siècle et notamment chez les intellectuels. Toutefois il sera écarté des Constitutions d'Anderson. On peut supposer que par réaction, 3 mois plus tard, le Druid Order est fondé afin de réunir cette frange écartée par les francs-maçons chrétiens fussent-ils réformés. John Toland, le 1er Grand Druid était un athée notoire et militant. Beaucoup se réclamant du Druid Order aujourd'hui oublient cet aspect pourtant fondamental. Etre druide selon le Druid Order de John Toland, ce n'est pas remplacer Dieu, Jésus, Allah ou Bouddah par le Dagda ou Cernunos. Je renvoie à l'édifiant ouvrage de Paul Veyne "Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? 1983 ". Fidèles à l'image des premiers Rose+Croix aboutissant à la genèse de la franc-maçonnerie et du druidisme, nous n'avons d'autres choix que de nous plonger dans un ésotérisme païen, c'est à dire une interaction/interrogation directe avec notre univers naturel selon la formule proposée par Spinoza; "Deus Sive Natura" "Dieu c'est la Nature". Revenons à Samain et reprenons humblement notre place de païen au sein de la nature. Inéluctablement c'est un temps de mort apparente, en atteste les feuilles mortes, la vie quitte les arbres et parallèlement l'obscurité grandit, etc ... Beaucoup de choses ont été dites sur Samain. Je l'appréhenderai cette année 2023 par le petit bout de la lorgnette. Samain est le temps des champignons. Alors que la nature semble s'éteindre, ils fleurissent alors avec allégresse. Le druidisme se comprend dans ce "mystère" des champignons. Alors que la vie semble regresser sur un plan, elle se poursuit activement sur un autre. On connait aujourd'hui le rôle majeur du mycélium, ce réseau sous-terrain tapissant le sous-sol de la forêt sans lequel celle-ci n'existerait pas. Il mérite notre respect voire notre dévotion. Sans ce champignon, pas de forêt, pas de chêne et pas de druide... Il nous faudrait nous attarder sur le rôle des champignons dans nos campagnes d'autrefois; nourriture, médicament ... Il est sans conteste la manifestation d'un monde souterrain qui nous échappe et a nourri et continue à nourrir notre imaginaire. Etre emblématique de l'automne, la Saison Sombre et par conséquent de Samain, le champignon est un symbole druidique important, car il signifie davantage qu'il ne laisse voir en apparence. |
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Cercle des fées - d'après Christopher "virtualmagie.com |
photo libre de droits issue de Wikipedia, article sur Montaigne |
Auteur d'un seul livre: "Les Essais", Montaigne croit en Dieu, fait sa prière tous les soirs, assiste à la messe, demande l'extrême onction sur son lit de mort... Assurément Montaigne est chrétien, catholique même car il refuse la Réforme. Montaigne est fidéiste, c'est à dire qu'il croît dans le dieu de son pays, "Je crois au Dieu de mon roi et de ma nourrice". Comment pourrait-il en être autrement ? Le premier par fidélité "nationale', le second par héritage familial et culturel. Il faudra entrer en réaction si l'on épouse de nouvelles convications. C'est le cas de Montaigne qui par exemple reste fidèle au christianisme plutôt que de basculer dans le protestantisme comme bon nombre de ses contemprains. En fait Montaigne ne veut pas d'ennui, "en France il fait comme les Français", Cependant, en ce qui le concerne, l'enjeu est plus vaste, sa pensée est une authentique rupture épistémogique avec toute la pensée occidentale tant grecque que judéo-chrétienne. Il est le premier, en tous cas de premier plan, à penser par lui-même et à partir de ses propres observations. Montaigne ne cherche pas la vérité dans les livres qui disent le monde, ni dans la Bible, ni dans Platon, ni dans Aristote, mais dans le monde lui-même. Il invite à se passer des bibliothèques afin de regarder le monde pour le penser vraiment. Il n'y a pas de meilleure définition de ce qu'est le paganisme. Il rejoint en ça Spinoza avec son "Deus Sive Nature: la Nature c'est Dieu et Dieu c'est la Nature". Dieu c'est la Nature et ce n'est ni dans les livres, ni dans les récits qui racontent l'histoire de dieux disparus que se trouve la vérité. Cela est évoqué dans nos rituels par la phrase "face au soleil, oeil de vérité". C'est symboliquement au moment où il y a le plus de lumière, "à midi", que nous sommes en mesure de voir le monde tel qu'il est. Assurément Montaigne n'est pas un druide et n'a sans doute jamais souhaité l'être. Ce serait complétement anachronique. Mais comme nous ne savons rien de la pensée des druides et qu'il ne suffit pas de se grimmer en druide pour être druide, nous tentons de percer le secret d'une pensée païenne, de retrouver ces druides, "des philosophes chez les barbares" comme les nomme Jean-Louis Brunaux et surtout, à la suite de Paul Veyne ("Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?") et Gérard Poitrenaud ("Cernunos, le dieu primordial des celtes et ses avatars"), ne leur faisons pas croire à ce que nous voudrions qu'ils crussent. Le but n'étant pas de singer les druides d'autrefois, avec vraiment le risque de passer à côté, mais de retrouver une pensée païenne d'occident. |
Le belle saison est celle des amours. Nous avons procédé à notre première union druidique de 2023. Trois autres sont prévues cette année. Nos "promis" avaient choisi de s'offrir en complément notre Pipeband (Groupe des cornemuseurs du Jura JHPAD ) afin de donner une dimension encore plus celtique à leur cérémonie. La magnifique photographie ci-contre que l'on doit au talent de notre Soeur Carole, témoigne de l'égrégore suscité. Le cortège des mariés était précédé de 4 cornemuseurs et d'une grosse caisse tous en grande tenue de cérémonie aux couleurs de notre clan MacPherson. La cérémonie de mariage fut ouverte sous les auspices de la Nature Sacrée, en présence de notre Grande Déesse Séquana. Notre Druide Célébrant "installé" était assisté de Christophe notre Pendragon et de nos Soeurs Marlène et Carole et de notre Frère Patrik. L'assistance était très perplexe et attendait de voir à quoi correspondait ce choix saugrenu des mariés. Transcendé par le son des cornemuses et le symbolisme du rituel , il semble que la plupart furent conquis. En témoigne le nombre de présents venu prendre nos références après la cérémonie afin de pouvoir nous conseiller éventuellement à d'autres personnes intéressées. Le rituel de mariage que nous utilisons figurera sur ce site en PDF dans nos archives accessibles aux druides. Ce rituel est un support culturel réunissant quelques temps forts choisis pour leur puissance symbolique par le Célébrant. Il paraît important que les symboles utilisés parlent à la communauté présente. Par exemple, selon l'imaginaire de tous, il serait difficile de ne pas y faire figurer le rituel des "mains liées" (handfasting) popularisé dans des séries comme Game of Throne. Toutefois il n'existe aucun rituel druidique officiel, pour les mariages comme pour les autres temps forts de la vie (funérailles, baptèmes, ...). Ce sont tous des reconstructions récentes. Peu importe, ce qui est important c'est de proposer un support symbolique fort afin de marquer les esprits des mariés et de leur communauté. Pour notre Ecole druidique de la Forêt de Chaux, selon nos principes, nous tentons de rassembler avec sérieux ce qui fait sens et qui reste dans l'égrégore paîen et celtique. Rien n'est gravé dans le marbre, soumis aux éclairages des découvertes les plus récentes et à notre sagacité afin de pouvoir répondre aux besoins spirituels de nos contemporains. Toutefois ce qui reste important à nos yeux, c'est la filiation du sacerdoce druidique. Ainsi un rituel aussi beau soit-il ne saurait suffir à sacraliser une union. Cette problématique fut celle de notre Grand Druide fondateur Gwenc'hlan Le Scouëzec conscient d'être en fait héritier du bardisme (Gorsedd du Pays de Galles, académie culurelle celtique) mais doutant de la filiation sacerdotale de l'antique religion des druides. Il finit par faire le constat que l'option la plus tangile était l'intégration des druides dans l'église chrétienne. Depuis la proposition de l'historienne Régine Pernoud (1909-1998), on parle désormais de "christanianisme celtique" pour qualifier l'art roman. Nous reviendrons abondamment sur cette transition entre druidisme et christianisme. C'est par le biais de cette filiation sacerdotale, par intégration des druides au sacerdoce chrétien (feinte pour des raisons de survie ?), filiation que nous avons reçue en tant qu'Evêque Orthodoxe Gnostique au sein du Grand Sanctuaire des Gaules de Jean Prévost. (cf lettre testimoniale sur ce site). Gwenc'hlan Le Scouëzec, notre Grand Druide fondateur, n'a pas fait d'autres choix. Ainsi en toute cohérence, nous restons fidèle à son héritage, celui des Rites Forestiers, celui du Bardisme culturel (histoire, mythes, légendes, traditions, musiques...), et celui de la filiation sacerdotale transmise d'évêques/druides celtiques à évêques/druides celtiques. Ces choix pourront nous être contestés. Selon l'adage "La plus belle fille du monde ne pouvant donner que ce qu'elle a", Il est notre héritage: les rites forestiers et le sacerdoce des chrétientés celtiques. En attendant d'autres filiations... si elles existent.
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photo EdF |