Les rites forestiers.

L'esprit des forêts - la forêt de Chaux - les vieux métiers

 

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 Chaudron, calice, Graal, ...

"Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse" dit l'adage. Nous pouvons suivre dans nos traditions occidentales le fil rouge de la libation. Nous sommes en présence d'un mythème selon le concept de Claude Levy Straus à savoir, un élément répérable et isolable présent dans de nombreux mythes. Cet élément de mythe se traduit sous une pratique rituelle, récurrente elle aussi, qu'on pourra qualifier de "ritème". Ainsi on retrouve le ritème de la "libation", qu'il soit au chaudron, au calice, au Graal, à la coupe d'amertume au sein de plusieurs traditions et pratiques rituelles.Quel en serait le sens véhiculé ? Dans la tradition celtique, le chaudron est un objet mythique. Il fait partie des quatre talismans de la royauté avec la pierre de Fal qui crie le nom des rois, la lance de Lug, l'épée du Nuada et le chaudron du Dagda, tous dieux celtiques.  Le  chaudron magique des dieux est une corne d'abondance qui  peut nourrir matériellement, intellectuellement et spirituellement à satiété. D'un point de vu médical, il est la panacée et peut ressusciter les morts. Le Graal, de tradition celtique également, en dehors du fait qu'il servit à recueillir le sang du Christ au même titre que le chaudron celte recuillant le sang des sacrifices, apporte en abondance nourriture et boisson et a la capacité de guérir, de purifier et de régénérer. Le Graal apparait comme une conjonction entre le chaudron celtique et le calice chrétien. Selon le Franc-Comtois Robert de Boron (des environs de Belfort), auteur du Roman du Graal (vers 1200), qui s'est beaucoup inspiré des Actes de Pilates (encore appelés Evangile de Nicodème), ce serait  Joseph d'Arimathie qui aurait recuilli le sang du Christ dans la coupe de la Cène et qui l'aurait apporté dans l'île de  Bretagne. Ecoutons Régis Blanchet (in La résurgence des rites forestier p.80): "L'eucharistie pour les chrétiens est le sacrement majeur qui les mène vers la vie éternelle. Le calice, réceptacle du sang d'un homme sacrifié, est le lieu de la transsubstantiation qui réalise, ou symbolise suivant les sensibilités, un passage du plan humain vers le plan divin". On prend ici la mesure d'un tel symbole qui cumule le chaudron, le calice de l'eucharistie et le Graal. Boire à la coupe c'est accéder à un vortex, un tourbillon assencionnel, un moyen de communication avec les dieux, un lieu de "passage" vers l'éternité. L'état que procure l'ivresse n'a pas échappé à nos prédécesseurs comme approche de l'état extatique recherché spirituellement. Les grains ou les raisins "mis à mort" et ressucités sous forme spirituelle en alcool en sont une allégorie végétale. On trouvera des mots tels que "spiritueux" ou "eau de vie", ou encore whisky en gaélique. Dans les rites forestiers figure la formule "brûler le mannequin" qui accompagne la libation et qui illustre bien l'abandon du corps vulgaire après l'ingestion du "nectar" sensé nous faire accéder à l'état spirituel. Ne nous méprenons pas, chacun connait les ravages du procédé éxagéré à outrance. N'oublions pas que  chez nos anciens, la libation ne se conçoit pas sans l'invocation des anges ou des dieux. C'est donc un acte hautement spirituel et pas seulement l'occasion de "boire un coup".